Tout oppose le narrateur, Gao Xiaoting, révolutionnaire convaincu, pragmatique, moraliste rigide, et le jouisseur des bonnes tables Zhu Ziye, l'épicurien, capitaliste épargné par les soucis financiers, ne se préoccupant que de goûter les meilleurs mets de la ville de Suzhou, en Chine. Pourtant, leurs chemins vont sans cesse se croiser. Comme une joute d'idées qui passerait par le langage de la nourriture, ils vont s'affronter. L'ironie du ton rend la lecture agréable et l'intrigue nous tient en haleine. La cuisine de Suzhou, qu'on appelle la "Venise orientale" est mise à l'honneur.
Quelques mots sur Suzhou (situé dans le sud de la Chine) une ville bien connue pour ses jardins dont 4 sont classés au Patrimoine mondial de l'Unesco. Les paysagistes de jadis ont fabriqué ces jardins, pour rassembler en un lieu, montagne, eau, pierre, pont, arbres; cela tend à représenter l'harmonie entre l'Homme et la nature. Un des principe fondamental du jardin chinois, contrairement au jardin et parc d'Occident où tout le paysage s'étend sous les yeux du spectateur, comme à Versailles par exemple; ici, à Suzhou, il faut découvrir petit à petit les "vues" comme autant de tableaux du maître paysagiste, au détour d'une galerie en zig zag, ou derrière une rocaille, ou à travers une ouverture en dentelle de pierre, on découvre un arbre plusieurs fois centenaire, un ruisseau, le reflet d'un kiosque dans un étang... ainsi, Suzhou a attiré de nombreux lettrés et artistes tels des calligraphes et peintres, accentuant d'avantage l'image d'une ville raffinée où l'on venait admirer les paysages et goûter la quiétude des jardins en dégustant un thé dans ces fameuses théières en terre cuite de Yixing. La cuisine de cette ville ne pouvait se développer que dans la même veine.
Un passage du livre qui me plaît bien où l'auteur évoque la recherche des nouilles de "première cuisson" par Zhu Ziye qui se lève aux aurores pour cela. Mais pourquoi? Simple: "La même eau de cuisson servait à faire un millier de bols; à la fin, c'était un véritable empois et les nouilles n'avaient plus aucune fraîcheur; elles se mettaient en paquet et prenaient un goût de farine crue. Si Zhu Ziye avait dû en avaler un bol, il en aurait été alourdi pour toute la journée. Un jour de gâché!". Cela me rappelle lorsque j'étais enfant et que ma mère cuisinait des nouilles, parfois elle les faisait trop cuire et c'est exactement ce goût dont je me souviens et la soupe qui devient épaisse!
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